De l’idée géniale au produit manufacturé : les déboires des projets Kickstarter

Le socio-financement a la côte. Il s’agit d’un mode de financement très pratique pour les créateurs qui veulent donner vie à leurs idées. Toutefois, beaucoup de projets échouent et les produits ne sont jamais livrés. Pourquoi ? Tout simplement parce que l’industrialisation ne s’improvise pas. C’est un processus complexe, que de grandes entreprises manufacturières ont du mal à maitriser elles-mêmes (il n’y a qu’à constater les nombreux rappels de produits pour défaillance). Je vais donc prendre un exemple et vous expliquer comment l’excellence opérationnelle aurait pu aider ces créateurs.

L’aventure de Tiko, une imprimante 3D

Mars 2015, trois entrepreneurs ambitieux de Niagara Falls lancent un projet Kickstarter pour industrialiser leur prototype d’imprimante 3D : Tiko. En seulement 3 minutes ils trouvent 400 « backers » qui pré-commandent leur produit et rapidement ce sont 16 538 personnes qui adhérent au projet et rassemblent près de 3 M$. Wow ! C’est un beau début pour une jeune entreprise. Ils sont fiers, ils sont passionnés et ils ont refait tous leurs calculs de prix de pièces, d’assemblage, etc.

Janvier 2017 : un commentaire sur le site annonce que les sentiments sont mitigés et qu’ils croulent sous les difficultés : en clair, ils abandonnent. L’argent s’est évaporé et près de 17 000 personnes à travers le monde les pointent du doigt ! Triste fin pour une si belle aventure !

Économie d’échelle ou juste-à-temps ?

Malheureusement, par inexpérience, leur première erreur a été de commander leurs pièces en gros volume, pour obtenir des rabais substantiels et faire des économies d’échelles. L’inventaire a cependant un contrepoids important : une erreur coûte plus cher, car c’est tout l’inventaire qu’il faut reprendre ou jeter. Malheureusement, c’est exactement ce qu’ils ont vécu. En improvisant une production de masse, ils se sont aperçu d’erreurs de design tant dans le produit que dans le logiciel. Ils ont passé des mois à essayer d’arranger leur imprimante 3D avec les composants et le logiciel, en équilibrant les deux, mais sans arriver au résultat attendu en terme de qualité et de fiabilité.

Le juste-à-temps est la technique qu’utilisent beaucoup de manufacturiers pour limiter les impacts de l’inventaire. Les composants sont commandés, livrés et payés au fur et à mesure.

Acheter des produits ou négocier des contrats ?

Ensuite ils ont découvert, malgré qu’un d’entre eux soit d’origine chinoise, que la négociation et l’achat de composants sous-traités en Asie n’est pas une chose facile. Ils ont eu à faire face à de nombreux problèmes de qualité et jusqu’à 10% des lots étaient défectueux. Encore pire, ils ne savaient pas que le composant était défectueux avant de l’avoir monté. Bref, des heures additionnelles, une hausse des coûts de production, et un effondrement du modèle économique de leur projet.

Au lieu de regarder le prix du composant seul, il faut l’évaluer dans son ensemble, avec les risques associés. Par exemple, le taux de panne, la possibilité de tester, de retourner les composants, sont autant de choses qu’une acheteuse sait négocier et apprend à gérer dans un processus de fabrication. Elle doit pour cela connaître les principes de l’industrialisation et évaluer le composant, ainsi que sa criticité dans son environnement complet. Cela est vrai tant pour les produits que pour les services. Ainsi, les choix doivent intégrer dès le début le service après-vente et le support.

Délais d’industrialisation

Enfin, leur produit, hautement technologique, n’a pas été assez rapide pour s’adapter aux nouveaux entrants sur le marché. Même s’ils le livraient parfaitement fonctionnel, avec de nombreux mois de retard, leur produit est déjà obsolète. La technologie des imprimantes 3D a évolué très vite. Même en investissant dix fois plus d’efforts et leur argent personnel, le modèle de rentabilité économique du produit était de toute façon dépassé, rendant ainsi impossible d’engranger de nouvelles commandes pour rentabiliser le projet.

Devriez-vous investir dans des projets de socio-financement?

Si vous voulez acheter un produit pour répondre à un besoin personnel, utilisez le commerce en ligne ou traditionnel. Toutefois, si vous voulez supporter des jeunes (ou moins jeunes) entrepreneurs, achetez sur Kickstarter ou une plateforme de socio-financement. Un peu à la manière d’un ange d’affaires (Business Angel) vous risquez, certes de tout perdre, mais surtout vous aurez la chance de suivre une aventure industrielle de l’intérieur !