Déployer la démarche Lean Santé à l’ensemble d’un hôpital ?

Déployer le Lean Santé revient régulièrement sur le devant de la scène. La pandémie de 2020-2021 a remis en avant les difficultés vécues dans les services de santé. Et certains voient dans le Lean la solution miracle. Après tout, c’est une démarche qui a fait ses preuves dans de nombreux domaines.

Qu’est-ce que le Lean et pourquoi le Lean?

La démarche Lean a été inventée par Toyota et a depuis été déployée à l’ensemble de ses usines et de ses services supports.

Le Lean c’est une philosophie, des méthodologies et des outils. Lean signifie « maigre », dans le sens de minimaliste, épuré. Il s’agit de se questionner sur les opérations et de les optimiser pour livrer la valeur au client. Les concepts clés du Lean sont les suivants:

  • Le client est au cœur de la démarche. La valeur est exprimée selon sa perspective.
  • Les équipes opérationnelles guident la démarche : ce sont elles qui savent le mieux.
  • C’est une façon de penser, plus que des outils. Tout le monde est concerné.
  • L’amélioration est un processus continu, c’est un voyage plus qu’une destination.
  • Il n’y a pas de mauvaises questions, tout peut être remis en cause et interrogé, pour savoir s’il y a de meilleures façons de faire.

L’objectif de Toyota était de produire plus de véhicules, plus rapidement, et de baisser ses coûts de développement et de production dans un contexte hyper concurrentiel : le marché automobile. C’est d’ailleurs aujourd’hui l’une des seules marques qui produit et vend ses modèles partout dans le monde.

Les hôpitaux font face à d’autres contraintes : la pénurie mondiale de personnel soignant ne facilite pas le travail au quotidien. La démarche Lean est alors un enjeu de qualité de service. En effet, elle va améliorer à la fois le service au patient et les conditions de travail du personnel.

Le Lean Santé dans les hôpitaux, pas si nouveau

Dès 2010, le CSSS (Centre de Santé et de Services Sociaux) Val-D’Or avait publié des communiqués de presse sur le sujet. Un premier expliquait les résultats obtenus dans son service d’urgence. La démarche Lean Santé avait réduit le temps d’attente à moins de 3 heures pour 70% des usagers. Tandis que les autres devaient attendre moins de 5 heures. La démarche avait porté sur différents aspects, tels que la répartition des tâches entre les différents intervenants ou l’organisation spatiale des services. Encouragé par ces résultats, le CSSS avait alors indiqué son intention de déployer la démarche à l’ensemble de ses services.

En janvier 2012, j’avais participé à un premier Colloque sur l’implantation du Lean dans les centres de santé. Un des principaux conférenciers n’était autre que Mark Graban, auteur d’un ouvrage sur le sujet.

La mise en place du Lean Santé est une démarche qui prend du temps. Si la direction avait décidé de l’implanter dans tout le CSSS, c’est que le retour sur investissement est excellent. Et c’est le cas, mais comme pour tous les outils, il y a des précautions à prendre. Un couteau et une fourchette aident à découper la nourriture, mais peuvent devenir des armes et tuer, de façon intentionnelle ou non.

La différence clé dans le Lean Santé

Le Lean peut s’appliquer dans l’industrie (Lean Manufacturing), dans les services (Lean Office) ou dans les centres de santé (Lean Healthcare), la philosophie est la même. La démarche et les outils sont similaires. Ce qui change, c’est le contexte.

C’est évident, mais toujours bon de le répéter… Un patient n’est pas une voiture. Dans l’industrie, les humains et robots transforment des objets. Dans les services, ce sont des humains qui transforment des humains. Même si un certain nombre de choses peuvent être standardisées, les émotions, l’histoire personnelle de chacun impacte le service offert.

Le besoin des patients est simple : être soigné. La performance et l’amélioration des pratiques médicales et soignantes sont un domaine à part, avec des méthodologies validées par les Autorités de Santé.

Le Lean Santé s’intéresse à ce qui se passe autour des soins. Cette pratique donne le pouvoir aux équipes de terrain pour améliorer leur travail. Elles savent mieux que quiconque ce qui fonctionne mal, ce qui pose problème. Que ce soit un problème ponctuel, ou un dysfonctionnement connu de longue date, on oublie la recherche des coupables et la déresponsabilisation. L’équipe se concentre sur ce qu’elle peut faire pour corriger ou réduire les impacts dans une démarche itérative.

Les concepts qui peuvent aider rapidement les services de santé

  • Nous avons des problèmes, mais ne savons pas par où commencer : questionnez-vous avant de mesurer pour décider, puis rappelez-vous que la perfection n’est pas la cible. Prenez un problème, résolvez-le, puis recommencez.
  • Nous n’avons pas les compétences pour améliorer les choses : ce sont celles et ceux qui réalisent les actions qui peuvent les améliorer. Avec le A3 ou le 8D, vous pouvez résoudre tous les problèmes.
  • Le personnel est fatigué de courir de partout : un diagramme spaghetti pour identifier les trajets récurrents et réorganiser efficacement les différentes zones.
  • On ne trouve jamais ce qu’on cherche : les 5S, pour ranger et organiser le matériel, les consommables et les documents.
  • Nous passons trop de temps en réunion et pas assez sur le terrain : déclinez les invitations et réduisez les participants invités.

Je suis convaincue que la philosophie, les méthodologies et outils du Lean Santé peuvent apporter beaucoup au système de santé. Mais comme tout outil, il faut l’utiliser avec les bonnes intentions. Et comme les bonnes intentions ne suffisent pas, il faut se questionner sur ce que nos actions apportent à l’organisation.