Pourquoi « lean » n’est pas synonyme de « bien »

Le « lean » s’attache à réduire les gaspillages et fiabiliser les processus dans un contexte de flux, de temps de cycle. Il s’applique sur des processus dont on mesure le temps de passage.

« Lean » fait référence à l’allègement, c’est le terme que ses fondateurs ont choisi pour décrire ce qu’ils visaient. C’est une activité qui consiste à améliorer la productivité. Toutes les actions « lean » vont améliorer la productivité, mais vous pouvez améliorer les bénéfices et votre rentabilité sans être lean.

En passant, j’aurais pu écrire presque le même article, en remplaçant « lean » par « agile ». Les principes agiles visent aussi à réduire les délais de livraison, avec des développements fréquents et des boucles de rétroaction courtes.

Le principe du flux

Nous nous contentons d’observer le déroulement dans le temps, de l’instant où la cliente passe une commande jusqu’à ce que nous encaissions le paiement. Nous réduisons ce temps, en éliminant la non-valeur ajoutée.

Taichi Ohno

Tout produit ou service suit un flux de production. C’est le fameux délai (lead time). À ne pas confondre avec la cadence (takt time) ou le temps de cycle. Le temps de cycle contribue évidemment au délai, mais certaines actions peuvent améliorer les délais, sans changer le temps de cycle. La cadence est, en théorie, indépendante de votre volonté. Si vous pouvez l’influencer par de la publicité ou des rabais, elle vient surtout vous aider à dimensionner vos opérations.

Quelques exemples de flux et des temps associés :

  • La cliente commande une voiture neuve. L’usine la met en production, puis la livre à la cliente, qui paye à la livraison. Délai : 2 à 5 mois, temps de cycle : 5 minutes
  • Le client appelle pour un rendez-vous chez son coiffeur. Quelques jours plus tard, il se présente, se fait couper les cheveux puis paye. Délai : 1 semaine, temps de cycle : 30 minutes
  • La cliente a besoin d’une modification sur son site web. Elle contacte son agence web. Après quelques jours, elle reçoit les mises à jour et les accepte. L’agence web met le site en production. La cliente reçoit la facture et la paye. Délai : 5 jours, temps de cycle : 2 jours.
  • Le client a besoin d’un audit de son organisation. Il contacte plusieurs consultants. Après avoir reçu les propositions, il en choisit une. Une fois le contrat signé, l’audit est planifié quelques semaines plus tard. Après l’audit, le client reçoit le rapport et la facture. Il procède alors au paiement. Délai : 5 mois, temps de cycle : 3 mois.
  • La cliente décide d’implanter une solution de gestion du temps en ligne. Elle fait sa recherche sur Internet et choisit une solution. Puis, elle s’inscrit sur le site, procède au paiement et obtient l’accès à sa solution. Délai : 1 heure, temps de cycle : quelques minutes.
  • Le client commande des patisseries pour un évènement dans 1 mois. La veille de l’évènement, le patissier commence la préparation. Le jour prévu, il livre son client, qui procède au paiement. Délai: 1 mois, temps de cycle: 6 heures.

L’amélioration continue n’améliore pas toujours le flux

L’amélioration du temps de cycle est l’objectif unique du « lean ». Ainsi, vous pouvez améliorer de façon continue vos opérations, réduits les rebuts de production, votre empreinte carbone ou votre volume de déchets. Vous pouvez augmenter l’efficacité de vos équipes, mais si vous ne réduisez pas le temps de cycle, vous n’êtes pas « lean ». Ce n’est pas très grave, car vous améliorez. Mais vous pourriez avoir plus de bénéfices et plus d’« impact si vous travailliez sur le temps de cycle.

Si vous éliminez de la non-valeur ajoutée, c’est bien, mais il n’y a rien de nouveau ou de « lean » là-dedans. Depuis de nombreuses années, nous développons des technologies et changeons notre organisation pour être plus performants. La charrue n’a pas réduit le temps de cycle, elle a juste réduit la pénibilité d’un travail. C’est de l’amélioration continue, mais pas du lean.

Je vous invite à poursuivre vos projets d’amélioration continue. En effet, je crois fermement qu’on peut améliorer les conditions de travail de chacun, et c’est déjà un grand gain. Une fois cette discipline d’excellence opérationnelle en place, vous allez pouvoir tirer un meilleur profit de vos opérations.

Changer l’objectif de l’amélioration continue pour devenir « lean »

L’étape suivante serait de devenir « lean ». Pour ce faire, ce seront les mêmes outils, mais au lieu de vous concentrer sur la valeur apportée au client, vous allez vous concentrer sur le temps de cycle. C’est une des valeurs apportées au client. Vous ne regardez plus uniquement la valeur apportée au client, vous y ajoutez un contexte de flux et de délai.

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Alors, à quel point est votre organisation « lean » ? Est-ce que les inventaires tournent plus rapidement ? Est-ce que le temps du début à la fin de votre processus principal est plus court ? Est-ce que vos clients passent de l’initialisation du contrat à sa conclusion plus rapidement ? Si la réponse est non, alors vous n’êtes pas particulièrement « lean », quoi que vous ayez fait pour diminuer les coûts, réduire les pertes ou changer la culture.